La restauration des statues de la place Napoléon
L’opération Grand Louvre qui s’est déroulée de 1985 à 1993, au-delà du réaménagement de l’ensemble des bâtiments, a permis d’entreprendre une vaste restauration des statues situées sur les façades du nouveau Louvre.
Après cent quarante années d’exposition aux intempéries et aux agressions de la pollution citadine, les sculptures étaient pour le plupart fortement érodées, pour certaines mutilées. Les statues les plus vulnérables étaient celles des Hommes illustres et des Génies situés sur le couronnement. Elles étaient sans aucun abri, exposées à la pluie et au gel. La corrosion a été accentuée par la silicatisation appliquée aux statues, au moment de leur mise en place, selon le procédé de l’ingénieur Kuhlmann, qui au lieu de protéger la pierre, l’a rendue plus fragile aux effets du gel.
La rénovation a été précédée d’une analyse de toutes les statues afin de définir les sources de ces détériorations accélérées et de trouver les protocoles de réparation (études réalisées par le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques). Les travaux proprement dits, ont été répartis entre plusieurs entreprises, par tranches verticales (pavillons et ailes). Chaque entreprise étant en charge de la restauration des façades, des toitures et des sculptures.
Trois techniques de restauration des statues ont été mises en œuvre. La première et la plus radicale a été la copie, c’est-à-dire que l’œuvre a été re-sculptée entièrement.
La deuxième technique a consisté à utiliser la méthode de « ragréage », c’est-à-dire la reconstitution des modèles d’origine, par application d’un matériau de composition semblable à la pierre. Ce matériau était composé de poudre de pierre identique à celle de l’œuvre, de chaux hydraulique, de sable siliceux et de consolidant. Cette technique a permis de conserver l’aspect de la pierre d’origine et d’assurer une réaction aux variations climatiques, homogène avec le matériau de base.
Pour la troisième technique, il s’agissait d’opérer le « remplacement » des parties de la statue initiale, soit par sculpture sur place des formes disparues, soit par sculpture en atelier de la partie manquante et « greffage » de cette partie. Le ragréage et le remplacement ont été généralement mis en œuvre simultanément.
Pour ces différentes techniques, les photos d’Edouard Baldus prises à la demande de Lefuel, ont été précieuses pour retrouver tous les détails et les proportions de l’œuvre originale.
Pour les Hommes illustres, douze statues devaient être reproduites, mais au final cinq statues seulement ont été re-sculptées (notamment pour des raisons budgétaires). Il s’agit de Rabelais de Louis Elias Robert (par l’Atelier Sofianos), de Poussin de François Rude (par l’Atelier Tabart), de Houdon, toujours de François Rude (par l’Atelier Bouvier), de Sully de Vital Gabriel Debray et de Colbert de Paul Gayrard (par l’Atelier Fancelli).
Les procédés de ragréage et de remplacement partiel ont été utilisés pour les autres Hommes illustres.
Pour les Génies avec attributs installés sur le couronnement de la cour Napoléon, l’altération et la dégradation de la pierre ont été plus prononcées. Cependant une seule statue a fait l’objet d’une copie, l’Eau d’Hubert Lavigne (aile retour Turgot). Malgré la restauration par ragréage ou par remplacement, les Génies sont aujourd’hui en très mauvais état, rongés par la lèpre du temps.
Pour les autres grandes restaurations, il faut noter que pour les groupes d’Antoine Barye (La Paix, La Guerre, La Victoire, La Force), des copies ont été réalisées (par l’atelier Francelli, à Carrare, Italie) et ré-installées sur les façades des pavillons Denon et Richelieu. Les frontons du pavillon Colbert, La Terre et l’Eau de Nicolas Victor Vilain, et du pavillon de Flore, La France impériale portant la lumière dans le monde de Jean Baptiste Carpeaux, ont été entièrement re-sculptés.
Ces travaux de restauration, dans la continuité du Grand Dessein, ont été qualifiés de plus grand chantier du siècle pour les Monuments Historiques.